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Messages

Affichage des messages du mai, 2020

Va-et-vient (6/11) ou la traduction de Swings, de Lynn Steger Strong

La fille de Port St. Lucie commença à lui écrire une fois par jour et il oublia presque qui était celle qui le textait. Il n’imaginait jamais qui que ce soit quand il recevait les messages; il était seulement soulagé de continuer d’en recevoir. Elle lui demandait comment il allait et il lui répondait franchement et ça faisait du bien. J’ai eu une journée de merde, pouvait-il dire. Je me suis encore fait crier dessus au beau milieu de la nuit. Mon patron m’a traité de moumoune. Il travaillait pour une société financière privée composée presque exclusivement d’hommes. Il était vaguement au courant que certains d’entre eux avaient aussi des enfants, mais ils n’en parlaient pas ou ne semblaient pas vraiment contribuer à les élever, sauf financièrement, et il lui parla un peu de ça. Comment il était bizarre de penser qu’ils étaient aussi des pères. Qu'eux aussi retournaient à la maison et retrouvaient femmes et enfants, mais sans trop savoir pourquoi, leurs versions de ces mots étaient

Va-et-vient (5/11) ou la traduction de Swings, de Lynn Steger Strong

Au travail, il pensait parfois à elles, et parfois il se souvenait d’elles, qu’elles étaient à la maison sans lui, et il était étonné d’avoir pu passer autant de temps, peu importe combien de temps, une heure, quarante minutes, sans se demander comment elles allaient. Il aimait bien son emploi et savait qu’il aurait dû être reconnaissant de ne pas le détester. Grâce à lui, ils bénéficiaient d’une assurance-maladie, payaient leurs factures. Il lui arrivait souvent de devoir rester tard et quand il revenait à la maison et constatait qu’elle avait commandé une autre boîte de frites du petit restaurant au coin de la rue pour souper, il devait faire un effort pour ne pas lui dire qu’il s'inquiétait que ce soit tout ce qu’elle mangeait. *** Il reçut le second texto des seins deux jours plus tard. Ce n’étaient pas les seins, mais plutôt la propriétaire des seins. Il avait supprimé les premiers textos, mais le numéro était resté gravé dans sa mémoire. Comment ça va? demanda-t-elle.

Va-et-vient (4/11) ou la traduction de Swings, de Lynn Steger Strong

Le bébé s'agita sur son épaule. Il ne lui en voulait plus. Il l’aimait, ce qui était le but de l’opération, il le savait depuis le début. Il l’aimait, mais elle ne parlait pas et faisait bien peu à part chier, dormir, manger et hurler chaque fois qu’elle ne se trouvait pas dans la balançoire ou dans les bras de quelqu’un, à se faire promener. Elle avait peut-être irrévocablement changé sa femme – il n’aimait pas ça non plus à son sujet. Il était néanmoins content qu’elle soit là au lieu de l'inverse. Il se réveillait parfois alors que les deux étaient endormies, Julie et le bébé, et il se disait qu’elle était la meilleure, la plus parfaite, la plus douloureusement extraordinaire chose qui soit. « Elle a faim », dit Julie. C'est toujours ce qu'elle disait. Chaque fois que le bébé émettait un son, Julie croyait qu'un sein était la solution. « Bois un café », dit-il. « Laisse-moi te nourrir d’abord. » Le bébé toujours dans les bras, il cassa deux œufs et décroc

Va-et-vient (3/11) ou la traduction de Swings, de Lynn Steger Strong

Elle sortit de la chambre, blafarde, le visage enflé. Elle entortilla ses cheveux sur le dessus de sa tête et les attacha. Elle portait une de ses chemises, pas de pantalon, et il pensa brièvement à la dernière fois qu'il l'avait baisée, la dernière fois qu'elle l'avait laissé faire – c'était l'impression que ça donnait maintenant quand ils couchaient ensemble. Il demandait et ils faisaient tous deux semblant qu'il ne demandait pas. Il quémandait sans dire un mot. Il reste que la dernière fois, elle était venue, pour la première fois, croyait-il, depuis l'arrivée du bébé. La dernière fois, elle l'avait chevauché, le bébé enfin endormi dans la balançoire électrique près de leur lit. Ils avaient même ri, ensemble. Ses seins nus, gonflés de lait, au-dessus de lui, ils avaient regardé le bébé qui se balançait, les sons de la forêt tropicale jouant trop fort, mais ils avaient craint de les éteindre, et ils avaient ri. Le va-et-vient de la balançoire éta