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Complainte d'une traductrice impatiente

Lectrice assidue, avec un penchant naturel pour les littératures de l’imaginaire (ou noires), les nouvelles et la bédé, je me laisse séduire par tout ce qui arrive à m’accrocher en quelques lignes. Je lis en français et en anglais. Je butine parmi les suggestions des Libraires. Je me laisse influencer par les critiques qui interviennent dans les podcasts littéraires que j’écoute (salutations, gens de La librairie francophone). Je suis des auteurs que j’aime sur Twitter. Je suis abonnée aux listes de distribution de quelques magazines américains et canadiens en ligne qui publient des nouvelles.

Je manque de temps pour lire 
tout ce que je voudrais lire et je manque de temps pour traduire tout ce que je voudrais traduire.

Si un texte me touche ou m'interpelle et que j’ai envie de le traduire, je ne pense pas nécessairement à l’endroit où je pourrai soumettre la traduction quand je l'aurai terminée. Je pense seulement au plaisir que j’éprouverai à tenter de retransmettre dans mes mots ce que l’auteur a écrit. Je pense seulement au besoin que je me suis découvert de le traduire.

Et de toute façon, si un texte est bon, il sera assurément diffusé aux quatre vents, peu importe d'où il vient, non?

Non, en effet.

Il est difficile de susciter l’intérêt de maisons d’édition ou de revues de création littéraire quand il s’agit d’une traduction (d'une part) et quand l’auteur dont on a traduit le texte n’est pas canadien (d'autre part). Il existe des subventions gouvernementales 
pour la publication d'auteurs canadiens. En fait, les milieux artistique, culturel et littéraire survivent grâce aux subventions. Si elles n’existaient pas, les éditeurs ne pourraient probablement pas publier autre chose que des auteurs à succès. Tout ce qui se trouve en marge, tous les auteurs géniaux mais obscurs, tous les diamants cachés, tout ça ne verrait jamais le jour.

Comment fait-on alors quand on veut faire connaître au monde quelque chose de merveilleux qui n’a pas été écrit par un auteur à succès ni par un auteur canadien, mais par une perle rare qui mérite tout de même que son écriture et son univers soient découverts?

Comment fait-on quand on a la certitude qu’on tient quelque chose qui doit absolument être traduit et transmis? Que le monde s'en trouvera amélioré après en avoir pris connaissance?

On ne peut pas simplement le publier sur son blog (à moins d'avoir demandé et payé des droits à l’auteur, j'imagine. 
Pas que ça m'ait traversé l’esprit, évidemment...). 

On ne peut pas faire grand-chose en fait. On propose le texte traduit à des revues ou à des maisons d’édition en espérant qu’elles y verront toute la richesse que nous y avons vue, qu’elles vivront toutes les émotions que nous avons vécues en le lisant et qu’elles seront possédées comme nous l’avons été de l’envie de le partager. Là, tout de suite, avant tous les autres textes qu'elles ont reçus. Avant tous les autres qui valent aussi la peine d'être lus.


Et on attend…

J’ai découvert l’été dernier une excellente auteure américaine par le biais d’une superbe nouvelle qu’elle a publiée dans une revue en ligne. Je suis tombée amoureuse de sa façon d’écrire, de décrire le quotidien, de trouver l’universel dans le personnel et le banal, en mettant au jour ce qu'il y a d'humain en chacun de nous.

J’ai adoré traduire sa nouvelle, que j’ai ensuite envoyée  avec sa permission 
 à une revue et à une maison d’édition. Je n’ai malheureusement pas beaucoup d’espoir qu’elle finira par être publiée étant donné que l’auteure n’est pas canadienne. Le seul espoir que j’ai, c’est qu’on voit, comme moi, que c’est une histoire qui mérite d’être racontée en français parce qu’elle touche tout le monde. 

Alors j’attends. 


Et pendant que j'attends, tiens, allez donc la lire, cette auteure. Elle s'appelle Lynn Steger Strong et elle vaut vraiment la peine d'être lue.

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